« Aurez-vous peur de retourner dans la montagne la nuit ? »
Ce n’est pas le genre de questions que se voit d’ordinaire poser un guide de musée mais cela arrive à ceux du musée Aïnou et village culturel d’Hokkaido, la seconde plus grande ile japonaise et la plus au nord de l’archipel.
Le musée est consacré à la culture du peuple Aïnou, un groupe ethnique peu connu, même des japonais.
Pour devenir un des guides du musée et pouvoir instruire les visiteurs de leur culture et langue uniques, les Aïnous qui vivent à proximité de celui-ci, à une heure de route de Sapporo (mais pas dans des huttes primitives à flanc de colline), se doivent de répondre à cette question incongrue.
En 2007 l’Assemblée Générale de l’ONU a adopté la Déclaration des Nations Unies sur le droit des peuples autochtones ce qui incita le gouvernement japonais à reconnaitre les Aïnous comme peuple indigène du Japon l’année suivante.
Des méthodes de chasse brutales
Les Aïnous forment le peuple indigène de l’île d’Hokkaido.
Ils peuplent également Sakhaline, une île russe au nord d’Hokkaido et le nord d’Honshu, l’île principale du Japon.
De nos jours pouvoir rencontrer un Aïnou est chose rare.
Leur population est estimée aux alentours de 24 000 individus, et trouver quelqu’un qui parle couramment leur langue est plus difficile encore. Le Projet de Sauvegarde des Langues menacées ne dénombre qu’une dizaine de locuteurs natifs.
Situé en dehors du petit village de Shiraoi (dont le nom signifie « le lieu aux nombreux taons » en aïnou) le musée est une reconstitution d’un village aïnou sur les rives du lac Poroto.
A leur arrivée les visiteurs sont accueillis par une statue en bois de neuf mètres d’un chef aïnu barbu.
De ce totem impassible ils peuvent se promener parmi une série de maisons aux toits de chaume et de jardins botaniques qui donnent un aperçu de ce qu’étaient le mode de vie et les traditions aïnous 1000 ans en arrière.
Le personnel du musée donne régulièrement des représentations de ‘harpe buccale’ traditionnelle (nommée aussi ‘mukkuri’) avec chant, danse et musique.
Ils décrivent aussi la façon dont les maisons simples étaient décorées et comment on fabriquait les vêtements colorés à partir de matériaux naturels comme de l’écorce d’arbre ou de la peau animal (avec parfois d’élégantes bottes en peau de saumon).
Les Aïnous des siècles passés avaient une culture orale. Des croyances animistes et l’adoration du feu dominaient la vie quotidienne et la culture aïnou. De nombreux rituels étaient nécessaires avant que l’on permette aux plus jeunes de s’aventurer sur les sentiers accidentés pour aller chasser ou pêcher.
La faune de la région comme les ours ou les loups, était révérée pourtant la chasse était la norme (certains visiteurs peuvent être rebutés par les ours bruns en cage présents sur le site que l’on peut nourrir pour 100 yen), le cerf était aussi chassé.
Les Aïnous chassaient en utilisant des techniques qui pourraient paraître choquantes au vu de nos droits des animaux actuels, les troupeaux étant poussés contre une falaise et frappés à mort.
A 90mn en voiture de Sapporo se trouve le musée et le centre culturel Aïnou où le patrimoine culturel de ce peuple indigène est représenté et documenté dans un village reconstitué.
La dure vie des Aïnous
Si la survie à Hokkaido était dure autrefois, la vie moderne n’a pas été facile non plus pour les Aïnous.
Le gouvernement japonais n’a officiellement reconnu les Aïnous en tant que peuple indigène du Japon disposant de sa propre culture et langue qu’en 2008 alors que l’occidentalisation du Japon à l’époque Meiji (de 1868 à 1912) a œuvré à leur intégration à une culture japonaise uniforme.
« Les Aïnous sont dans une situation sociale et économique délicate, » déclare Shunwa Honda, un ancien professeur de l’université privée de Chiba et spécialiste des groupes ethniques indigènes.
« Il y a deux fois plus d’Aïnous dépendant de l’aide sociale que de Japonais. Leur niveau d’éducation est beaucoup plus bas et ils ont des difficultés économiques. »
Alors que le musée et le village recrée présentent une reconstitution vivante de la culture aïnou, Honda pense que davantage de musées de ce type pourraient mieux lier les traditions et le patrimoine aïnous à la vie moderne
« Beaucoup d’Aïnous sont réticents à avouer leur origine en raison d’une discrimination latente, » ajoute-t-il.
D’après les chiffres publiés au musée Aïnou et un rapport du gouvernement d’Hokkaido datant de 1984, la population aïnous de l’île s’élèverait à environ 24 000 personnes.
De nouvelles voies de sensibilisation
Cependant des signes indiquent que le gouvernement japonais se préoccupe des défis rencontrés par la minorité du pays.
En août dernier a été décidé que la première enquête concernant les discriminations dont sont victimes les Aïnous se ferait en 2015.
Eduquer le public fait partie de la mission du musée et on vient de décider de la création d’un centre culturel Aïnou plus moderne sur la rive opposée du lac Poroto à temps pour les Jeux Olympiques de Tokyo en 2020.
D’après Honda, les débats continuent sur le but poursuivi par ce nouveau centre.
« Doit-il insister sur la culture aïnou d’un point de vue historique et risquer d’être en décalage avec l’époque actuelle ou doit-il faire ce que la Smithsonian Institution a fait pour les natifs américains et montrer la situation actuelle des Aïnous ? »
En attendant les visiteurs du musée Aïnou de Shiraoi peuvent se faire une idée de l’ancienne vie rude des Aïnous tandis que le Japon moderne cherche un endroit confortable pour leur héritage culturel.
Source : CNN
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