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Le wasabi en France, une arnaque ?

Le wasabi en France, une arnaque ?

Ce condiment qui escorte les sushis n’est la plupart du temps en France qu’une vulgaire contrefaçon. Mais depuis peu, la donne change.

 

Vous connaissez tous ce condiment qui, associé au gingembre, s’invite sur les plateaux de sushis et de sashimis. Couleur verdâtre voire carrément flashy, sous forme de pâte le plus souvent, c’est la touche exotique et piquante qui vous arrache parfois des larmes, pour peu que vous ayez eu la main distraite.

Bref, un produit japonais dont on ignore à peu près tout et surtout le plus important: il est très souvent un ersatz en France, un mélange de raifort et, pour le côté piquant, de graines de moutarde.

Pour le moment, cette arnaque dûment organisée n’a pas vraiment déchaîné les foudres des pouvoirs publics. Cette méconnais­sance a de quoi surprendre lorsqu’on sait l’engouement suscité, en France, par la gastronomie japo­naise.

Jusqu’à une date très récente, il n’existait d’ailleurs aucun producteur de wasabi en Europe.

En France, le seul connu, Bruno Schweitzer, maraîcher biologique installé à Oyé, en ­Saône-et-Loire, cultive une micro-production qu’il vend sur les marchés environnants ou à des chefs locaux comme le triple étoilé Michel Troisgros, à Roanne. Son offre reste cependant ­limitée à la région.

 

Une culture de patience

 

Bonne nouvelle néanmoins, on trouve depuis peu en France du wasabi, importé d’Angleterre, dont les qualités sont aussi remarquables que l’original.

La Wasabi Company, seule ferme en Europe à s’être lancée dans la culture exclusive de ce rhizome, n’a qu’un importateur en France, Romain Doyotte.

Il commercialise directement le wasabi via sa société Kuroshio, tout en fournissant aussi certains bons restaurateurs comme Toshiro Kuroda, à la tête d’adresses japonaises authen­tiques: Issé, Bizan, boutique Workshop Issé

PHO84c44754-9a41-11e3-9232-0778f4ed652b-400x350Ce dernier, passionné par les produits de son pays, a d’ailleurs beaucoup œuvré pour les faire connaître en France, se livrant à un véritable travail pédagogique, notamment sur le saké. «Avant lui, souligne Romain Doyotte, les Français l’associaient à cet alcool servi dans des petites tasses que l’on vidait pour voir la dame nue au fond!

Aujourd’hui, le wasabi souffre du même problème. Il est indissociable des chaînes de restaurants japonais, eux-mêmes tenus par des Chinois, premiers producteurs de faux wasabi pour toute la communauté européenne.

En France, moins de 10 % des restaurants estampillés nippons appartiennent à de vrais Japonais.» Voilà donc un raifort cultivé en Chine et conditionné au Japon sous le terme de «wasabi». Produit en grandes quantités, il coûte beaucoup moins cher.

Vous verrez rarement la photo de la plante originale sur l’emballage, c’est interdit lorsque le condiment en contient moins de 5 %. En revanche, histoire de parfaire l’illusion d’authenticité, on en injecte parfois de petits morceaux dans le raifort teinté.

«Il n’est soumis à aucune norme ni labellisation, sans doute parce qu’il s’agit d’un produit de niche, qui plus est étranger», déplore Romain Doyotte.

Et sans doute aussi parce que sa culture, très longue, nécessite un terrain bien particulier. Ainsi la Wasabi Company a-t-elle prospéré sur une ancienne cressonnière familiale, implantée dans le Dorset, au sud de ­Londres, dont les conditions de culture étaient très proches de celles requises pour le wasabi japonais: du gravier, un sol toujours humide, une température constante.

Au Japon, la région ancestrale de production de cette espèce semi-aquatique se situe à Shizuoka, sur les flancs du mont Fuji. Les terres y sont constamment alimentées par des sources et des petits cours d’eau.

Pour arriver à maturité, ce végétal délicat et rare, de la famille des brassicacées (comme le colza, le cresson et le chou), a besoin de temps: pas moins de deux ans pour que ses racines at­teignent les 8 cm exigés pour sa ­commercialisation.

Contrairement aux Européens, les Japonais dégustent chaque partie de la plante: la tige, les feuilles en salades ou en légumes sautés, et surtout la racine, râpée, car c’est elle qui concentre toutes les saveurs. Son goût est certes volatil mais d’une puissance inouïe.

En revanche, à l’air libre, non protégé, le rhizome perd en une heure toute son acuité. C’est dire s’il faut choyer cette plante paradoxale, à la fois fragile et forte, éphémère et violente.

Au pays du Soleil-Levant, on le traite comme un produit de luxe, avec ménagement. Maintenu dans un linge humide, au réfrigérateur, il n’est sorti qu’à bon escient.

Dans les grands restaurants, on le râpe minute, sur le plat, et pas avec n’importe quoi! Avec une râpe en bois et galuchat (de la peau de raie) plutôt qu’en acier, sur laquelle on frotte la racine avec un mouvement circulaire, régulier, afin d’obtenir une pâte très fine qui libère toutes les molécules.

«La qualité de l’ustensile est impor­tante, on obtient un bien meilleur résultat avec la version en galuchat, dont le prix peut monter jusqu’à 400 euros pour certains modèles, en fonction de la rareté du bois, de la surface de la peau», explique encore Romain Doyotte, qui a notamment comme client le chef étoilé Okuda, fraîchement installé à Paris.

Pour râper son wasabi, celui-ci a investi dans le modèle «Oyashio» (environ 100 euros), très prisé par les professionnels. Mais pour les particuliers, nul besoin d’accessoires aussi coûteux, les râpes plus petites, autour d’une trentaine d’euros, suffisent largement.

Ce qui importe, souligne notre importateur, c’est le bon usage du wasabi. Une fois râpé, il faut attendre environ cinq minutes qu’il s’aère, sorte ses arômes. Le résultat s’avère assez magique, à la fois dans la texture, crémeuse, et la saveur, végétale, relevée, aux notes aquatiques.

S’il sied à merveille au poisson cru (au Japon, à côté des sushis et sashimis, on façonne la pâte de wasabi en forme de petite feuille d’arbre, que l’on accompagne d’une rose en gingembre), il sublime les huîtres, la viande de bœuf et bien sûr les sauces.

Certains chefs pâtissiers comme Pierre Hermé ont même inventé des recettes sucrées, dont son Émotion wasabi-pamplemousse (gelée de wasabi, cubes de pamplemousse frais et confits, crème de mascarpone au wasabi), qui explore une palette gustative étonnante, d’une belle fraîcheur.

Puisse enfin le wasabi retrouver ses racines. On croise les baguettes.

 

Source: Figaro

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