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le Japon condamne-t-il les femmes à rester à la maison ?

le Japon condamne-t-il les femmes à rester à la maison ?

Manque de places en crèche, aides publiques quasi inexistantes, jugements moraux… Pas facile d’être une mère active au Japon.

 

« Les femmes pourraient sauver le Japon, si elles travaillaient plus »: le Fonds monétaire international (FMI), dirigé par une femme, n’y va pas par quatre chemins.

Si la gent féminine nippone participait davantage à la vie des entreprises, elle extirperait enfin le Japon de la crise lancinante dans laquelle il est enferré depuis des années.

Fiction pour le moment, car les femmes japonaises n’ont soit pas du tout envie de travailler à l’extérieur, soit pas la possibilité de le faire, contraintes de choisir entre vie professionnelle et éducation des enfants, faute de garderies, même si les Japonais font de moins en moins de bébés.

« On veut bien prendre votre nom, mais il y a déjà trente nourrissons sur la liste d’attente », a répondu en novembre à une jeune maman la quatrième crèche privée appelée après un refus d’inscription dans la vingtaine d’établissements publics de son arrondissement tokyoïte, tous déjà pleins à craquer.

Quelque 25 000 bébés japonais sont inscrits sur les registres en attendant que des places se libèrent.

Pas le choix dans ce cas, il faut qu’un des deux parents sacrifie son travail quelques mois au moins, puisque les nounous ne sont pas non plus légion au Japon.

 

« Les enfants sont des êtres qui doivent être élevés à la maison »

 

Le plus souvent, c’est la mère qui quitte son poste. Beaucoup (60 %) le font par choix, dès avant la naissance du premier enfant.

En voyant la vie éreintante que mènent les hommes salariés, qui ont des journées harassantes de labeur, sont stressés par leurs responsabilités et fatigués, elles n’ont tout bonnement pas envie d’être logées à la même enseigne.

Mais il y a aussi des femmes qui voudraient retravailler pour des raisons économiques ou parce qu’elles voient l’activité professionnelle comme un mode d’épanouissement. Las, le pays ne leur en donne pas la possibilité.

Ces dernières semaines, des mamans de l’arrondissement de Suginami à Tokyo sont allées avec leurs gamins en pleurs quémander auprès du maire l’ouverture de nouvelles crèches.

Ce dernier a promis de s’activer et le gouverneur de la capitale a appuyé sa démarche, mais un autre élu de 37 ans, très ancré à droite, a envenimé la situation en critiquant violemment l’attitude des familles.

Pour le conseiller municipal sans enfant Yutaro Tanaka, « les enfants sont des êtres qui doivent être élevés à la maison » et « les mères qui viennent réclamer l’aide des pouvoirs publics n’ont pas de morale ».

Pourtant, ce n’est pas en terrant les femmes au foyer que les choses vont nécessairement s’améliorer et la dénatalité trouver une solution.

Car « c’est dans les pays où les aides parentales sont les plus généreuses que les taux de fécondité sont parmi les plus élevés et les taux d’activité des femmes les plus importants », rappelle le FMI.

Moins les femmes participent à la vie économique de l’entreprise, plus les revenus du foyer sont étriqués, les achats limités et le système dans son ensemble bridé.

Bref, la machine tourne dans le mauvais sens, mais les autorités japonaises n’ont aucune vraie politique pour y remédier, en dépit des discours et promesses depuis vingt ans.

 

« Opinion traditionnelle »

 

Reste que les gouvernements qui se sont succédé ne sont pas les seuls responsables de la faible activité professionnelle des femmes.

Nombre de citoyens partagent l’avis de M. Tanaka, y compris parmi les plus jeunes.

Selon une étude conduite en octobre dernier par le gouvernement auprès de 5 000 Nippons de plus de 20 ans, 51,6 % considèrent que « la place des femmes est de rester au foyer pour s’occuper des enfants et celle des hommes au travail à l’extérieur ».

La tendance est en augmentation pour la première fois depuis 1992. La proportion de ceux qui s’érigent contre cette « opinion traditionnelle » a chuté de 10 points depuis 2009.

Le retour à cette façon de penser rétrograde s’expliquerait par le traumatisme subi lors de la catastrophe du 11 mars 2011, où les mères, pères et enfants étaient tous dispersés dans des lieux différents, dans l’impossibilité de se joindre quand le séisme, le tsunami et l’accident nucléaire ont terrorisé la population.

Ce n’est toutefois pas la seule cause : les filles sont découragées de travailler après avoir constaté que beaucoup d’aînées ont été bernées. On leur avait promis des postes d’encadrement, on leur avait donné des titres ronflants, mais jamais les responsabilités ni le salaire n’allèrent de pair.

Le mouvement féministe a échoué et les jeunes filles recommencent à penser comme leurs grands-mères : se marier avec un homme qui a du répondant, faire des enfants et se complaire dans le rôle de maman.

Reste qu’elles ne sont pas privées de tout pouvoir : ce sont les femmes qui, au Japon, tiennent les cordons de la bourse familiale et elles qui décident du montant mensuel d’argent de poche du mari, même si c’est lui qui trime pour le gagner.

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